La CFE-CGC mobilisée pour la négociation "pacte de la vie au travail"



Emploi des seniors, parcours professionnels, compte épargne-temps universel… Secrétaire national et chef de file CFE-CGC, Jean-François Foucard fait le point sur les discussions en cours entre partenaires sociaux.

Sur demande gouvernementale, les organisations syndicales et patronales ont lancé une négociation nationale interprofessionnelle « Pacte de la vie au travail » sur l’emploi des seniors et les parcours professionnels. Où en est-on ?

Après une phase de diagnostic en janvier puis un partage des demandes et des visions de chacun en février, nous attaquons à partir du 7 mars la phase de finalisation qui doit se terminer le 26 mars. Nous entrons donc dans la phase de négociation à proprement parler, dans le dur diraient certains. On peut déjà dire que les compromis seront difficiles à trouver car les visions et les préoccupations patronales et syndicales sont éloignées voire très éloignées quant au moyen de répondre aux objectifs proposés par la lettre d’orientation du gouvernement.

L’exécutif a fixé l’objectif de porter le taux d’emploi des seniors de 33 % (2022) à 65 % d'ici à 2030. Est-ce atteignable et par quels leviers ?

Cela semble atteignable à la condition de tenir compte de l’état physique des personnes et de leurs aspirations. Il y a quatre leviers concernant la population directement impactée, à savoir des personnes qui ont au minimum 54 ans aujourd’hui. Le premier est de diminuer le temps de travail à partir de 62 ans voire 60 ans via des dispositifs comme la retraite progressive ou le temps partiel aidé (cotisation retraite à 100 %). Le deuxième est d’aménager les postes de travail et/ou de faire évoluer les personnes sur des postes moins pénibles via de la formation pour faire baisser de façon importante le nombre de mises en invalidité (près de 160 000 par an). Le troisième, c’est de créer des environnements de travail où les seniors ne sont plus discriminés, en leur donnant des perspectives d’évolution professionnelle et de la reconnaissance, et non une mise au placard comme trop souvent actuellement. Enfin, le dernier levier est de mettre en place un service dédié et performant d’accompagnement au sein de France Travail (ex-Pôle emploi) pour les personnes expérimentées afin qu’elles puissent retrouver un emploi le plus rapidement possible.

"Les compromis seront difficiles à trouver car les visions et les préoccupations patronales et syndicales sont éloignées "

Quelles sont les revendications portées par la délégation CFE-CGC composée de vous-même (chef de file) et de trois autre secrétaires nationaux (Christelle Thieffinne, Nicolas Blanc et Maxime Legrand) ?

Pour l’emploi, les trois mesures les plus importantes sont la retraite progressive opposable ; un bilan de compétences techniques liées à son activité et sa classification qui interviendrait à 35, à 45 et à 55 ans ; et le doublement du délai de préavis avec un minimum de 3 mois en cas de licenciement après 50 ans.

Pour les dispositifs de transitions professionnelles, la CFE-CGC milite pour le renforcement du financement de la transition individuelle avec le projet de transition professionnelle (PTP) dont le budget doit être doublé pour revenir à un niveau de 1 milliard d’euros ; la négociation d’un plan de développement des compétences pour les entreprises de plus de 1 000 salariés ; et la création d’un vrai dispositif de transition « collective » au sens projets, dont la clé d’entrée est l’emploi et la formation.

S’agissant de l’usure professionnelle, la CFE-CGC préconise d’inciter à la reprise d’activité pour les personnes invalides en supprimant le plafond de la Sécurité sociale de 1,5 PASS (salaire + pension) ; de rendre possible l’abondement du compte personnel de formation (CPF) via le fonds pour la prévention de l'usure professionnelle (FIPU) ; et la création d’un fond conventionnel (financé par le FIPU) dédié à la prise en charge supplétive de l’abondement employeur pour un projet de transition professionnelle (PTP).

À la place du compte épargne-temps universel (CETU), nous proposons deux solutions de flexibilité : une flexibilité annuelle par le report possible de 3 mois des jours de congés via l’harmonisation pour tous les salariés de la gestion de fin de vie des jours de congés pour une année donnée, basée sur celle des forfaits-jours. Et une flexibilité pluriannuelle via la création d’un mécanise de compte-épargne temps (CET) pour tous, basé sur les mécanismes actuels et porté par un organisme tiers, et dont le stockage est limité aux jours de RTT et conventionnels avec une durée de prise de 3 ans par défaut pour ces derniers.

La partie patronale propose un « CDI senior » pour inciter à l’embauche des demandeurs d’emploi à partir de 60 ans. Comment se positionne la CFE-CGC ?

C’est une pancarte lourde à porter pour les demandeurs d’emploi seniors et cela ne change en rien les problématiques de ségrégation, de manque de compétences et les problèmes de santé. Le frein le plus important pour les employeurs, outre celui de la discrimination, est le risque d’inaptitude qui repose sur le dernier employeur, notamment pour les ouvriers. C’est pourquoi l’U2P milite pour une mutualisation de ce risque mais que le Medef fait la sourde oreille. Le CDI seniors, outre le fait de se donner bonne conscience, est là pour souligner que les entreprises veulent une visibilité sur l’âge de départ envisagé par la personne… Et ainsi l’imposer pour tous les CDI avec une mise à la retraite possible dès l’atteinte du taux plein.

"La CFE-CGC plaide en faveur d’une extension du compte épargne-temps à tous les salariés "

Le périmètre de la négociation comprend la mise en place d’un compte épargne-temps universel (CETU). La CFE-CGC y est-elle favorable ?

Comme évoqué précédemment, la CFE-CGC plaide plutôt en faveur d’une extension du compte épargne-temps à tous les salariés. Aujourd’hui, le CET concerne 20 % des salariés. Nous proposons de monter ce taux à 100 % et de faire en sorte, via une forme de mutualisation pour les plus petites entreprises, que l’ensemble du salariat ait la possibilité d’en bénéficier. Pour en revenir au CETU, nous ne souhaitons pas instaurer une portabilité au dispositif. On ne veut pas amener les salariés dans une impasse en leur disant au début « c’est génial », mais qu’à la sortie, c’est le miroir aux alouettes. Vous aviez épargné un jour et vous n’avez plus que dix minutes parce que vous avez eu une évolution professionnelle et que le taux de rendement n’a pas été réactualisé et n’a pas tenu compte de l’inflation.

Le Medef propose « un parcours d’évolution professionnel », un dispositif prévoyant la rupture du contrat de travail pour les salariés engagés dans une reconversion externe à leur entreprise. Qu’en pensez-vous ?  

Le Medef confirme sa volonté de détruire le projet de transition professionnelle (PTP) en déshabillant le dispositif jusqu’à en faire l’équivalent du dispositif démissionnaire. Son idée est de transférer la gestion et le financement des rémunérations à France Travail. De ce fait, l’indemnisation pendant la formation de nos populations passerait de 100 % voire 90 % à 57 % voire 40 %, tout en passant par la case chômage alors que ce dispositif a justement été pensé pour ne pas y aller. Cette proposition vise à récupérer une partie des 12 milliards d’euros de la ponction décidée par l’État sur les fonds de l’Unedic pour la période 2023-2026. Mais elle aura surtout pour conséquence d’enlever le seul dispositif sécurisant à la main du salarié, et de détruire le paritarisme de formation à très court terme. Ces propositions et les financements associés ne sont pas à la hauteur des enjeux de transformation qui vont être nécessaire au salariat français. D’une certaine façon, la partie patronale se désengage et se dédouane des problématiques d’adaptation de la main d’œuvre en les transférant à la puissance publique à travers France Travail, devenant ainsi un simple consommateur !

Qu’en est-il désormais du calendrier ?

La négociation est prévue pour se finir le 26 mars mais ce délai pourrait être porté à mi-avril si une voie d’accord se dessine.